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McInerney, un pédagogue enthousiaste

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Chantre des nuits new-yorkaises, écrivain à succès dans les années 1980, déjanté, alcoolique et cocaïnomane, Jay McInerney fait aujourd’hui partie de la bourgeoisie bien installée de « Big Apple ». Ses romans sont une ouverture fantasque et, parfois cynique, sur la bourgeoisie décadente, des oeuvres qui écoutent et retranscrivent parfaitement la sociologie des nantis de Manhattan dans l’une des plus belles comédies sociales qui n’ait jamais été écrite sur ce thème. Son livre Bright Lights, Big City (1984), traduit en français sous le titre Journal d’un oiseau de nuit, fut un immense succès et lui accorda, pour l’éternité, l’image d’un écrivain branché et déluré. Mais l’argent aidant, il devint, petit à petit, l’une des ces caricatures qu’il fustige dans ses romans avec tant de brio : un bourgeois bohème américain.

Très vite, comme de fait dans ce milieu, son intérêt pour le vin grandit en même temps que son ascension sociale. D’intéressé il devint passionné, puis connaisseur et enfin l’un des grands professionnels de l’écriture vin en Amérique. Son talent s’étale dans les pages de The Wall Street Journal pendant plus de 10 ans. Inconnu en France comme journaliste-vin, il publia aux Etats-Unis Juice, Vinous Veritas, compilation de ses meilleurs articles que les Editions de la Martinière ont souhaité publier en français sous le titre « Bacchus et Moi ».

A la fois romanesque et désinvolte, pédagogue et enthousiaste, Jay McInerney met tout son talent de conteur au service du vin. Ses écrits ne se veulent pas encyclopédiques mais plutôt pragmatiques, de ce pragmatisme que seuls les anglo-saxons savent manier avec dérision et sérieux. En se baladant dans les vignobles il nous emporte dans un tourbillonnant voyage à travers le globe et dans une vision très « américaine » du divin breuvage. Et c’est en cela que réside tout l’intérêt de cet ouvrage. La passion du vin aux Etats-Unis est, on le sait, encore très présente et l’apanage d’une certaine classe sociale. Boire du vin est important pour le statut et connaître les divers crus permet de briller en société. Mais au delà de cet aspect purement sociétal, les américains se sont pris d’amour pour la culture, les cépages, les propriétaires et, bien sûr, les vins qui leur donnent tant de plaisir. Avec un amusement certain pour l’inertie de notre pays et avec un sentiment de bonté et d’envie pour notre culture, les américains révèrent nos vins autant qu’ils aiment jouer au « France bashing » ou à l’« Europe bashing ». Cela leur donne une approche légère, sympathique, presque adolescente. C’est cette vision que retranscrit admirablement McInerney dans Bacchus et Moi. Une vision novatrice, pour nous autres européens, mais tellement plaisante à lire que l’on se demande si il ne conviendrait pas, certaines fois, de prendre du recul et de regarder le monde du vin avec des yeux d’adolescents rêveurs. Ce livre est une cure de jouvence, un moment de détente doux et délicat pour qui veut comprendre l’intérêt des américains pour la culture vin et leurs façons, souvent incongrues, de percevoir la vérité de l’innocence. C’est un appel à réflexion pour nous autres qui baignons dans cette culture, laissant de côté les choses si simples mais tellement importantes.  C’est une leçon sur l’écriture du vin, dans ce qu’elle a de plus ludique, de plus enthousiasmant et de plus novateur. Une invite à laisser de côté nos certitudes et une ode à se poser les bonnes questions.

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